J’invite tous les hommes qui aiment disserter sur les « risques » que ferait peser le féminisme sur leurs « libertés » à suivre le procès des 51 violeurs de Gisèle Pelicot, à plonger dans la banalité du mal qu’il dévoile et à s’interroger. Profondément.
Le procès en cours n’est pas un « fait divers » qui vise à juger des « fous ».
Il ne s’agit pas d’un fait divers sordide, mais d’un fait social.
La variété des profils des violeurs, leur banalité ne cessent de m’interroger et de m’ébranler.
Cette variété, cette banalité des violeurs doivent tous nous questionner, nous, les hommes.
Les accusés ne sont ni des « fous », ni des marginaux. Ce sont des hommes « ordinaires ».
Qui ont entre 26 et 74 ans. Qui sont de toute profession, journaliste, pompier, chauffeur, militaire, retraité… Qui sont, pour la plupart d’entre eux, des pères de famille.
En observant cette banalité du mal, on se rappelle que plus de 213 000 femmes déclarent avoir été victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint chaque année et que les violences sexuelles sont commises à 96 % par des hommes, dont 1/3 sont des mineurs.
Que ce n’est pas le fait de marginaux, mais d’hommes qui sont le plus souvent d’une sidérante « normalité ». La question nous est donc posée à nous, les hommes, par la « normalité » des violeurs.
La question de nos comportements et de notre domination.
L’horreur qui nous saisit face aux violences subies par Gisèle Pelicot doit nous conduire à combattre la culture du viol, les justifications qui la sous-tendent et les mythes qu’elle véhicule.
Non, les femmes ne sont pas des « choses » ou des « objets » à disposition de leurs maris, des hommes en général et de leurs pulsions.
Non, les violences sexuelles ne sont pas le produit de la « nature humaine masculine », mais d’une construction historique, sociale, culturelle dans laquelle nous baignons et qui nous façonne.
Non, la prétendue « misère sexuelle » ne peut justifier ni les harcèlements ni les agressions. Non, les femmes ne l’ont jamais « cherché ».
Non, une femme ne peut pas être inconsciente mais consentante parce que son mari l'affirme.
Et oui : seul un oui est un oui.
Nous reprendrons ensemble le combat pour que le droit français et européen évolue afin de davantage centrer la définition du viol sur la notion de consentement.
Loin de nous angoisser, la révolution féministe en cours doit nous réjouir en tant qu’hommes car il ne s’agit pas d’une révolte des femmes contre les hommes mais d’un combat commun contre les injustices et les inégalités.
Et ce procès est un tournant dans ce combat commun pour l’émancipation, contre la domination patriarcale, contre la culture du viol.
J’espère qu’il permettra une prise de conscience citoyenne et politique à la hauteur du courage de Gisèle Pelicot. Et qu’il permettra que la honte change définitivement de camp.
Seule l’égalité nous rendra tous et toutes réellement libres.