Chers amis,

Pendant près de 80 ans, nous Européens, avons vécu à l’abri du parapluie américain, un parapluie qui nous nous protégeait et nous vassalisait dans le même mouvement. Brutalement, ce parapluie se referme sous nos yeux et nous avons quelques mois pour créer une défense européenne autonome. C’est le cœur de mon travail parlementaire depuis des semaines.

À la tête de la commission spéciale sur les ingérences étrangères, j’ai déjà passé mon premier mandat au Parlement européen à alerter sur les menaces qui pesaient sur notre sécurité et les attaques dont étaient victimes nos démocraties. La guerre hybride que mène le régime de Poutine contre nos nations - attaques cyber de nos hôpitaux ou de nos industries stratégiques, financement de partis politiques visant à briser le projet européen, campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux, création d’une atmosphère de guerre civile, achats d’anciens dirigeants, assassinats d’opposants sur notre sol… - a été traitée avec une légèreté affligeante par nos dirigeants jusqu’au 24 février 2022. Et depuis 3 ans, nous tardons à prendre la mesure des menaces qui pèsent sur notre sécurité.

Mon second mandat aura comme fil rouge la création d’une défense véritablement européenne. Les grandes tempêtes exigent de rompre avec les habitudes ronronnantes des temps calmes. Il est urgent de prendre des décisions fortes tant sur le financement que sur l’organisation de notre défense commune.

Les demi-mesures ne suffiront plus. En tant que sociaux-démocrates européens, notre devoir est d’assurer la sécurité physique, économique et sociale de nos concitoyens. La sécurité n’est pas tout ; mais sans la sécurité, le reste n’est rien.

La prise de conscience est réelle depuis la scène terrible du Bureau Ovale au cours de laquelle chaque attaque contre Zelensky était aussi une claque adressée à tous les Européens. Les diverses capitales annoncent des changements d’ampleur (augmentation drastique des budgets nationaux de défense, plans d’investissement géant en Allemagne, ...) et la Commission européenne propose un nouveau document stratégique.

Le paquet de mesures de défense mis sur la table par la Commission, et bientôt à disposition des États, va leur permettre d'accroître les investissements en matière de dépense. C’est nécessaire. Mais l’approche adoptée est quasi exclusivement nationale et surtout, aucun argent frais n’est envisagé ici, toutes les mesures consistant à permettre aux États de s’endetter davantage individuellement.

C’est totalement insuffisant et, au fond, ce n’est même pas sérieux.

La sécurité européenne requiert une approche véritablement européenne et des investissements à la hauteur des enjeux. Nous ne pouvons pas continuer à investir chacun dans son coin, pour perpétuer une base industrielle de défense fragmentée, chère, incapable de nous doter des systèmes et capacités les plus stratégiques et avancées qui ne peuvent être développées qu’en coopération, à l’échelle européenne.

Face au retournement d’alliance enclenché par Trump, nous devons aller plus vite et plus fort. Il faut lancer d’urgence un emprunt commun pour subventionner l’industrie de défense à hauteur des besoins, estimés par la commission elle-même à 500 milliards.

Je viens d’être nommé rapporteur du nouveau Programme européen pour l’industrie de défense (EDIP) pour la commission Sécurité et Défense (François Xavier Bellamy est mon co-rapporteur pour la commission Industrie). Ce programme est l’embryon de la défense européenne à venir. Depuis que j’ai été désigné il y a trois semaines, je me bats jour et nuit pour que les ressources allouées à ce programme soient décuplées et permettent véritablement de développer des capacités communes, d’acheter en commun, d’accélérer les cadences de production et de produire sur notre sol ce dont nos forces armées ont besoin. Et - c’est primordial - pour que les fonds européens soient donc réservés aux industries européennes et ne servent pas à acheter américain.

Si nous parvenons à remporter les batailles législatives à venir, le programme EDIP sera une bascule dans l’histoire européenne. Il permettra d’avoir enfin une base de défense pleinement européenne et aussi d’accélérer l’aide militaire à Kyiv grâce à l’instrument de soutien massif à l’industrie de défense ukrainienne que nous mettons en place. En effet, aider massivement l’Ukraine à se défendre est le moyen le plus efficace de protéger l’ensemble de notre continent.

Les mois qui viennent seront ceux du grand sursaut européen ou d’un effondrement dont nous peinons encore à mesurer l’ampleur. Vous pouvez compter sur moi pour mener corps et âmes cette bataille existentielle jusqu’au bout.

Raphaël